Après un Catulle renouvelé, voilà un Martial réveillé, revigoré, ragaillardi par une traduction dépourvue de tout frein inhibiteur. Ce poète latin du 1er siècle après J.-C. s'est adonné exclusivement au genre de l'épigramme, dont il a développé la véhémence satirique. Il excelle surtout dans la charge et la pointe obscènes, n'épargnant aucun des deux sexes. En toute licence, avec drôlerie et férocité, Martial nous offre la chronique scandaleuse des mœurs romaines par-delà les changements des codes amoureux, on perçoit, dans leur crudité, la permanence des pulsions et des affects que le langage véhicule à travers les siècles et les cultures, et que la traduction moderne se propose de restituer pour le plaisir sans tabou du lecteur.
Toujours à la recherche de nouveaux ouvrages pour compléter ma collection littéraire latine, voilà que je pose mon attention sur le sulfureux Martial, connu pour ses Épigrammes (réunies dans 12 livres pour près de 1200 pièces !!). Souhaitant éviter tout d'abord les éditions Les Belles lettres (CUF), qui offrent l'œuvre intégrale en deux tomes à un prix excessif (comptez 55€ pour l'ensemble, mais avec une traduction intégrale de très bonne qualité !!), voilà que je tombe sur cet ouvrage des éditions de La Musardine (que l'on connaît très bien sur ce blog), qui attire immédiatement mon attention devant une couverture soignée et des commentaires fort élogieux. L'ensemble fait 155 pages, je me doute donc qu'il ne s'agit pas de l'œuvre intégrale mais plutôt de morceaux choisis, bien que cela ne soit pas vraiment indiqué au premier regard (toujours ce même reproche !). Le prix est abordable (11,20€), le contenu semble de qualité, et voilà que l'achat est passé puis reçu le lendemain, pour un début de lecture le surlendemain dans le train (vive Amazon Prime !). Voyons voir maintenant tout cela de plus près...
LE PRODUIT
Le produit en lui-même est propre, soigné, d'un violet presque sexuel (forcément, quand on parle de Martial) et d'un format que l'on peut emporter partout. Les pages sont de qualité et bien épaisses, tandis que la police est grande et aérée. Dommage cependant que quelques pages soient bien vides, avec quelques fois juste deux ou trois lignes... des pages aérées c'est cool, mais TROP aérées, cela peut créer un sentiment de facilité pour augmenter le nombre de pages sans prise de tête. Je n'irai pas jusqu'à parler de "respect" mais presque : quand je vois des pages bien optimisées, je me sens respecté. Un peu comme au restaurant, devant un plat qui nous fait saliver d'avance : de petites quantités mal réparties dans une assiette fort jolie, et on ne peut s'empêcher d'être déçu. Là, je n'irai pas jusque-là, mais nous ne sommes pas loin. Donc un bon produit, mais qui n'a pas les 5 étoiles juste à cause de l'optimisation des pages, trop inégales à mon goût. Pourquoi ne pas avoir mis tout simplement un peu plus d'épigrammes très courts ?
L'AUTEUR
J'ai coutume d'écrire quelques lignes sur l'auteur, et pour ce coup-là, quel plaisir ! Parce que Martial est différent, spécial, intriguant, fascinant. Né vers 40, c'est un poète contemporain des Sénèque, Lucain, Quintilien ou encore Pline le Jeune, qui grandit en pleine période néronienne (autant vous dire, pas la meilleure période pour un artiste...). Mais c'est sous la dynastie flavienne que le poète s'élève, avec le genre de l'épigramme, mais pas n'importe lequel : l'épigramme satirique, provocateur, vulgaire, amusant, obscène (d'où le titre de l'ouvrage !)... bref, les mots de manquent pas de piquants avec lui. Au final, son œuvre compte de plus 1500 poèmes de taille variable, répartis en 15 livres :
LE CONTENANT
Pas de surprise sur le contenant, puisque je savais déjà par simple déduction du nombre de pages par rapport à l'œuvre de Martial, qu'il ne s'agissait pas de l'intégrale des épigrammes, mais plutôt d'une anthologie. Mais pour défendre cette démarche à priori assumée du côté de l'éditeur, j'aimerai faire un rapprochement avec un artiste comme Johnny Hallyday : pour le découvrir, n'est-ce pas mieux d'écouter une excellente compilation plutôt que de se farcir son millier de chansons en côtoyant le meilleur comme le pire ? Pour avoir écouté tous les morceaux de cette légende (oui, je l'ai fait !), je peux affirmer qu'il y a surtout du pire, mais on ne retient forcément que le meilleur, parce que ce meilleur est exceptionnel. Il en est de même très certainement pour Martial : sur les 1200 épigrammes, combien sont exceptionnelles, inutiles, étranges, dispensables, intéressantes ? Commencer par cet ouvrage est donc une excellente façon de découvrir Martial, surtout avec cette traduction moderne qui ne contourne pas les mots obscènes : au contraire, s'il faut choquer, alors choquons ! Lisez plutôt :
"Affamé, démuni, Gellius a épousé une vieille fort riche : Sa femme lui bourre le ventre, il lui fourre la chatte." - Épigramme IX, 80
Ah ouais, je vous avais prévenu, ça déménage ! Dans mon RER, voilà que je me mets à glousser le plus silencieusement possible devant de telles obscénités si intelligentes, tantôt étonné, tantôt choqué (oui, oui, ça m'est arrivé une ou deux fois, et pourtant, il faut le faire !). C'est frais, c'est original, c'est tout simplement grandiose. Alors oui, certes, tout n'est pas égal en qualité et en longueur, mais cet ouvrage a réussi son pari : celui de me donner l'envie de réunir l'intégralité de son œuvre via la collection Les Belles lettres. Je vais essayer de trouver l'ouvrage similaire sur Catulle, devenu difficile à trouver, mais qui doit lui aussi déménager.
En conclusion, il s'agit d'un très bel ouvrage, qui s'avère une excellente introduction à l'œuvre de Martial, et qui ne peut que donner envie d'aller plus loin dans nos recherches. Quelques petits points noirs m'empêchent cependant de mettre 5 étoiles, mais rien de grave : l'ensemble reste excellent.
Allez, une petite dernière pour la route avant de se quitter :
"Ton petit chien, Manneia, te lèche le visage et les lèvres : Je ne m'étonne plus que les chiens aiment la merde." - Épigramme I, 83
Je ne peux m'empêcher d'écrire encore une épigramme (promis, c'est la dernière), tellement ça envoie du lourd !
"Bien qu'on puisse sauter Galla pour deux pièces d'or et plus que la sauter si on double la mise, pourquoi, Eschyle, en reçoit-elle dix de toi ? Galla ne suce pas à si haut prix. Quoi donc coûte si cher ? Son silence." - Épigramme IX, 4
Non, ce gars est un véritable tueur ! :)
Le produit en lui-même est propre, soigné, d'un violet presque sexuel (forcément, quand on parle de Martial) et d'un format que l'on peut emporter partout. Les pages sont de qualité et bien épaisses, tandis que la police est grande et aérée. Dommage cependant que quelques pages soient bien vides, avec quelques fois juste deux ou trois lignes... des pages aérées c'est cool, mais TROP aérées, cela peut créer un sentiment de facilité pour augmenter le nombre de pages sans prise de tête. Je n'irai pas jusqu'à parler de "respect" mais presque : quand je vois des pages bien optimisées, je me sens respecté. Un peu comme au restaurant, devant un plat qui nous fait saliver d'avance : de petites quantités mal réparties dans une assiette fort jolie, et on ne peut s'empêcher d'être déçu. Là, je n'irai pas jusque-là, mais nous ne sommes pas loin. Donc un bon produit, mais qui n'a pas les 5 étoiles juste à cause de l'optimisation des pages, trop inégales à mon goût. Pourquoi ne pas avoir mis tout simplement un peu plus d'épigrammes très courts ?
L'AUTEUR
J'ai coutume d'écrire quelques lignes sur l'auteur, et pour ce coup-là, quel plaisir ! Parce que Martial est différent, spécial, intriguant, fascinant. Né vers 40, c'est un poète contemporain des Sénèque, Lucain, Quintilien ou encore Pline le Jeune, qui grandit en pleine période néronienne (autant vous dire, pas la meilleure période pour un artiste...). Mais c'est sous la dynastie flavienne que le poète s'élève, avec le genre de l'épigramme, mais pas n'importe lequel : l'épigramme satirique, provocateur, vulgaire, amusant, obscène (d'où le titre de l'ouvrage !)... bref, les mots de manquent pas de piquants avec lui. Au final, son œuvre compte de plus 1500 poèmes de taille variable, répartis en 15 livres :
- 1 livre sur le spectacle (33 pièces),
- 12 livres d'épigrammes (près de 1200 pièces),
- 2 livres de distiques (Xenia et Apophoreta).
Pas de surprise sur le contenant, puisque je savais déjà par simple déduction du nombre de pages par rapport à l'œuvre de Martial, qu'il ne s'agissait pas de l'intégrale des épigrammes, mais plutôt d'une anthologie. Mais pour défendre cette démarche à priori assumée du côté de l'éditeur, j'aimerai faire un rapprochement avec un artiste comme Johnny Hallyday : pour le découvrir, n'est-ce pas mieux d'écouter une excellente compilation plutôt que de se farcir son millier de chansons en côtoyant le meilleur comme le pire ? Pour avoir écouté tous les morceaux de cette légende (oui, je l'ai fait !), je peux affirmer qu'il y a surtout du pire, mais on ne retient forcément que le meilleur, parce que ce meilleur est exceptionnel. Il en est de même très certainement pour Martial : sur les 1200 épigrammes, combien sont exceptionnelles, inutiles, étranges, dispensables, intéressantes ? Commencer par cet ouvrage est donc une excellente façon de découvrir Martial, surtout avec cette traduction moderne qui ne contourne pas les mots obscènes : au contraire, s'il faut choquer, alors choquons ! Lisez plutôt :
"Affamé, démuni, Gellius a épousé une vieille fort riche : Sa femme lui bourre le ventre, il lui fourre la chatte." - Épigramme IX, 80
Ah ouais, je vous avais prévenu, ça déménage ! Dans mon RER, voilà que je me mets à glousser le plus silencieusement possible devant de telles obscénités si intelligentes, tantôt étonné, tantôt choqué (oui, oui, ça m'est arrivé une ou deux fois, et pourtant, il faut le faire !). C'est frais, c'est original, c'est tout simplement grandiose. Alors oui, certes, tout n'est pas égal en qualité et en longueur, mais cet ouvrage a réussi son pari : celui de me donner l'envie de réunir l'intégralité de son œuvre via la collection Les Belles lettres. Je vais essayer de trouver l'ouvrage similaire sur Catulle, devenu difficile à trouver, mais qui doit lui aussi déménager.
En conclusion, il s'agit d'un très bel ouvrage, qui s'avère une excellente introduction à l'œuvre de Martial, et qui ne peut que donner envie d'aller plus loin dans nos recherches. Quelques petits points noirs m'empêchent cependant de mettre 5 étoiles, mais rien de grave : l'ensemble reste excellent.
Allez, une petite dernière pour la route avant de se quitter :
"Ton petit chien, Manneia, te lèche le visage et les lèvres : Je ne m'étonne plus que les chiens aiment la merde." - Épigramme I, 83
Je ne peux m'empêcher d'écrire encore une épigramme (promis, c'est la dernière), tellement ça envoie du lourd !
"Bien qu'on puisse sauter Galla pour deux pièces d'or et plus que la sauter si on double la mise, pourquoi, Eschyle, en reçoit-elle dix de toi ? Galla ne suce pas à si haut prix. Quoi donc coûte si cher ? Son silence." - Épigramme IX, 4
Non, ce gars est un véritable tueur ! :)
- Certaines pages ne comptent que quelques lignes, laissant un vide incompréhensible.
- Il ne s'agit pas de l'intégrale mais d'une anthologie, et cela n'est pas marqué explicitement. Je sais, "Business is Business", mais bon...
- Excellent contenant, de qualité. On sent qu'il y a du travail !
- Certaines épigrammes sont vraiment déroutantes dans l'obscénité. Excellent !
- Prix abordable pour une aussi belle introduction à l'œuvre de Martial.
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