Il est un sujet dont je suis particulièrement sensible, et dont chaque lecture aiguise un peu plus ma sagesse et ma réflexion spirituelle : l'histoire et les croyances des tribus amérindiennes. Je croyais pourtant disposer d'une culture assez solide sur cette magnifique civilisation, de la bataille de Little Big Horn (1876) au massacre de Wounded Knee (1890), de la ruée vers l'Ouest au (disons-le sans trembler) génocide perpétué par les blancs américains, de la résistance héroïque de Sitting Bull à celle de Geronimo ; mais voici qu'apparaît devant moi un nom inconnu, si proche de mon époque et pourtant si illustre : Fools Crow (1890-1989).
C'est grâce à cette lecture passionnante et à mon partenariat Netgalley avec les Éditions du Rocher (que j'ai également découvert pour l'occasion et qui disposent, de par sa collection Nuage Rouge, d'un grand nombre d'ouvrages extraordinaires sur les amérindiens, qu'il me tarde de lire) que j'ai pu découvrir cet homme incroyable doté d'une sagesse infinie, Franck Fools Crow, fils d'Eagle Bear et de Spoon Hunter, mais surtout homme-médecine et chef des Sioux Oglalas, considéré comme le chef spirituel des Sioux Tétons Lakotas. Voilà que j'apprends que cet homme (dont le vrai nom était Wanbli Mato) n'était autre que le neveu de Black Elk (1863-1950), dit Wapiti noir (de son vrai nom Hehaka Sapa), rendu particulièrement célèbre grâce à ses Mémoires et le récit de sa "Grande Vision", lui-même petit cousin du célèbre chef Crazy Horse (1840-1877), pour qui je voues une profonde admiration ! Voilà donc une bien belle lignée d'êtres respectables ! Ce livre, qui est un ensemble de propos, de pratiques et de rituels rapportés par Thomas E. Mails (1920-2001) lors de longs entretiens achevés en 1977 avec Fools Crow, est publié la première fois en 1991 sous le titre Fools Crow, Wisdom and Power, et apparaît comme une suite à L'Homme Médecine des Sioux (dont le titre original est Fools Crow, datant de 1979), qu'il vaut mieux avoir lu avant d'aborder cet ouvrage, bien que cela ne soit pas indispensable pour autant (comme cela fut pour mon cas). La première traduction française a été faite en 1994 par les Éditions du Rocher, qui viennent donc de rééditer l'ouvrage cette année (le 14 septembre 2022), pour notre plus grand bonheur !
"Ces pages contiennent sans doute le document le plus rare qui ait jamais été publié sur un Saint-Homme des Indiens d'Amérique." Le ton est donné dès les premières lignes, et moi qui pensait que l'auteur en rajoutait volontairement pour attirer son lecteur, je me rends compte, en terminant la dernière page de l'ouvrage, que ses propos sont d'une grande véracité.
En effet, il est quelque chose d'extraordinaire qui ressort immédiatement de cette lecture : on sent qu'une page de l'Histoire se tourne lentement, qu'une part immense de la culture Sioux (Hommes-Médecine, Danse du Soleil,...) s'évapore inexorablement, et que la perte de ce "Saint-Homme", qui aura vécu 99 ans, ne sera plus jamais comblée dans notre monde actuel. Toute cette spiritualité, toute cette sagesse, ces rituels ancestraux, ces pratiques en apparence étranges mais tout bonnement incroyables, cette identité Sioux : tout semble amené à disparaître dans un futur proche, et ce livre tend à devenir bien plus qu'un simple témoignage d'une époque et d'une façon de concevoir le monde. Fools Crow lui même parle constamment avec un certain fatalisme quand il parle de l'avenir des siens : "Malheureusement, notre peuple commence à l'oublier et il paie cet oubli d'un prix tragique." ; "La plupart des gens de mon peuple commencent à s'écarter de Wakan Tanka et, chaque jour qui passe, les exemples de ces longues vies sont plus difficiles à trouver." ; "Si seulement nos adolescents pouvaient écouter comme eux. Mais maintenant, ça ne les intéresse plus. L'avenir leur semble trop morne, ils pensent que ça ne vaut pas la peine de faire des efforts pour tenter de changer." J'aime cette phrase dans l'ouvrage qui résume finalement tout : "Les Voies anciennes se perdent dans l'oubli." Quelle tristesse ! Quelle perte pour notre monde ! Qu'en sera-t-il de ce dieu, Wakan Tanka, "Le Très-Haut et Très-Saint", et des ses "Auxiliaires" ? Qu'en sera-t-il de Tunkashila ou de Grand-Mère Terre ? Qu'en sera-t-il de cette mythique danse du Soleil, de cette capacité à devenir "un petit os creux neuf" pour recevoir le pouvoir de Wakan Tanka, de cette fascinante "vue visionnaire" dont le chapitre 3 m'a littéralement passionné, de cette troublante "transmission de pensée", ou encore de cette faculté de guérison physique et spirituelle qui m'a laissé littéralement bouche bée ? Que restera-t-il de tout cela ? La solution est sûrement dans ces deux phrases de Fools Crow, pleines d'espoir : "S'il y a un dernier souhait que j'aimerais voir se réaliser, c'est que les miens, un jour, se tiennent comme un seul homme, et soient pris en compte ; qu'ils retrouvent leur fierté et disent "c'est fini" à l'alcool et à la dépendance envers le gouvernement des États-Unis; que nos voies traditionnelles, les voies qui font notre grandeur, redeviennent les voies de tout notre peuple." ; "Dites aux gens, dans votre livre, de se souvenir que Wakan Tanka est tout proche et d'y réfléchir. S'ils vivent dans cette sagesse, elle leur donnera une force et un espoir infinis." Ne pas oublier, retrouver sa dignité et sa grandeur, perpétuer les traditions, être fier de ses racines, respecter les dieux ancestraux ou encore vivre dans la spiritualité : voilà ses souhaits !
Pour conclure cette chronique, je tiens à dire que j'ai été totalement bluffée par cette lecture pour laquelle j'ai eu, avouons-le, une certaine appréhension sur le contenu, qui a très vite disparue dès les premiers chapitres. J'ai découvert un homme exceptionnel à la sagesse immense et aux pouvoirs incroyables, ainsi qu'une conception du monde et de la vie qui se rapprochent beaucoup de ce que j'ai pu lire chez d'autres grands hommes comme, par exemple, Gandhi. J'aurai d'ailleurs tellement aimé que ces deux grands hommes se croisent et se parlent... Les 15 chapitres se lisent très facilement, et l'excellente bibliographie en début et fin d'ouvrage m'ont permis d'approfondir mes recherches sur cet homme et son peuple, ce qui est encore un bon point. Décidément, cette collection "Nuage rouge" des Éditions du Rocher est pleine de surprises, et je pense lire très vite le premier ouvrage de Thomas E. Mails sur cet homme illustre : "Fools Crow : l'homme-médecine des Sioux". Je vous laisse avec quelques phrases tirées de l'ouvrage chroniqué, pleines de sagesse :
"Même les échecs apportent quelque chose de positif. Ils nous obligent à rester humbles, ils nous aident à découvrir nos erreurs et à les réparer. Les échecs nous montrent aussi qu'il faut pratiquer davantage, jusqu'à ce qu'on se soit amélioré."
"À tout moment, si nous le voulons, nous pouvons être solidaires les uns des autres et cesser de nous chamailler. Partout les Indiens ruinent tous les efforts, en ne sachant pas s'unir. Ils veulent tous devenir chef, être celui qui dirige tout. Alors, on se retrouve finalement sans rien."
"Vous m'avez envoyé un Blanc atteint d'un cancer. Quand j'ai recouvert mes yeux avec le bandeau, j'ai vu que son corps en était rempli. C'était terrible. J'ai dû lui annoncer qu'il allait mourir et lui ai demandé s'il voulait une guérison spirituelle. Il m'a demandé ce qu'était la guérison spirituelle ; je lui ai dit que c'était atteindre la paix, ce qui signifiait être libéré de la peur. Vous voyez, il avait besoin de savoir que la mort n'était pas une ennemie, et que mourir n'était qu'une brève étape nous faisant entrer dans la vie pour laquelle nous sommes tous nés, dans le lieu où nous sommes pour toujours en sécurité avec Wakan Tanka. C'était un homme jeune, trop jeune pour mourir, pensait-il. Il était en colère, et blâmait Wakan Tanka de ce qui lui arrivait. Il estimait que c'était injuste. La guérison spirituelle s'occupe de tout cela. Elle débarrasse de la colère et de la blessure intérieure, et elle calme aussi la douleur, à la fois physique et mentale. Quand nous achevons le traitement de guérison spirituelle, la personne est calme, prête, et même impatiente de mourir."
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