Ivan, criminel recherché pour un petit délit, s'apprête à finir ses jours en prison. Il est victime d'une vengeance aveugle qui l'a amené à commettre de nombreux forfaits. Mensonge, trahison, vols. Il doit à présent payer pour ses crimes.
Ivan, naufragé sur une île étrange, semble résigné à ne jamais la quitter. Il se familiarise avec une faune et une flore extraordinaire d'où le danger peut surgir à tout moment. Humble et fataliste, il survit difficilement dans une nature pourtant nourricière.
Je tiens à préciser que mon avis reste objectif, comme toujours. Il s'agit certes d'un envoi de l'auteur, mais j'ai pour principe de rester objective et impartiale, par respect pour moi-même et pour l'auteur. Un grand merci tout particulier à l'auteur pour cet envoi. Maintenant que tout cela est précisé, passons à la critique :)
Chroniquer cette BD n’a pas été chose aisée, beaucoup moins que je le pensais ; il m’a fallu la lire une deuxième fois, prendre le temps de comprendre tout ce que l’auteur a voulu faire passer, toujours avec cette crainte d’oublier quelque chose d’important. Sachez qu’il s’agit d’une BD en apparence un peu étrange, mais éminemment subtile, dotée d’un fond est bien plus profond qu’il n’y paraît, pour peu de se vouloir un peu persévérant. Après lecture, je peux vous dire que j’ai été tout autant troublée qu’agréablement surprise par cette dernière, et je me dois de vous dire pourquoi.
Parlons tout d’abord de l’objet en lui-même, et notamment de cette couverture fort étrange, où se mêlent un titre peu évocateur, une couleur dominante rouge (plutôt logique par rapport au titre) et une foule de personnages dont on ne connaît jusqu’alors rien. Sans avoir lu la bande dessinée, impossible de savoir de quoi cette dernière parlera ; cela rend la première approche fort mystérieuse, ce qui, après lecture, colle très bien avec l’intérieur. On s’en tiendra donc à un titre peu évocateur et à une couverture
purement illustratrice, qui ne donne aucune clé ni aucun indice au futur lecteur ; cependant, dire que cette dernière n’est pas réussie serait un mensonge : elle fait son job, voilà tout, sans être non plus une force supplémentaire.
Si je ne me trompe pas, l’auteur-dessinateur Wouzit a sorti cette même BD en 2011, aux éditions Manolosanctis, et il s’agirait là d’une réédition toute récente aux éditions Dupuis ;disons même d’un Le Grand Rouge 2.0, puisque les dessins semblent avoir été refaits pour l’occasion. C’est ainsi que je l’ai compris.
Enchaînons maintenant avec le contenu, puisque c’est ici qu’il y a le plus à dire, en éloges et en petites critiques. Concernant les dessins, voilà un style très affirmé qui surprend au début (notamment son trait très simple, qui ne nous aide vraiment pas à accrocher), mais dont l’originalité finit par être adoptée sans problème au fil des pages. Dire que ces derniers sont magnifiques serait vous mentir, mais je peux dire qu’ils sont très intéressants, créant une véritable ambiance.
Quant aux couleurs, je dirais qu’il s’agit véritablement d’une bonne surprise, tantôt fades (ce qui n’est pas un défaut quand cela est bien utilisé) et tantôt vives et lumineuses, selon ce que l’auteur veut faire passer. Un vrai point fort, à n’en pas douter. Tout cela dit, reste à parler du scénario. Pour l’histoire, sachez que nous suivons les aventures d’Ivan Barnave et William Lameth, deux malfaiteurs recherchés par un certain Flandrin.
Pourchassés, ils finissent par se faire attraper et se faire juger : Ivan est condamné à mort par pendaison et enfermé en attendant son jugement ; William est condamné à 10 ans de galères. Enfermé, Ivan rencontre un certain Edward Balfour, qui lui propose alors un marché étrange: de le faire s’évader de cette prison, en échange de deux ans de sa vie. Ivan accepte, et c’est là que commence vraiment l’aventure... enfin, pas vraiment, puisque l’auteur alterne volontairement deux récits qui ne se passent pas au même moment, ce qui est pour le moins déroutant, du moins au début de la lecture. Ainsi, on voit Ivan au chapitre 1 sur une île en apparence déserte, une sorte de Nouveau Monde inconnu, luttant pour sa survie ; dans le chapitre 2, le voilà en ville à jouer les malfaiteurs ; dans le chapitre 3, nous découvrons un Ivan survivant tant bien que mal dans cette île décidément bien mystérieuse ; dans le chapitre 4, le voilà poursuivi par les sbires de Flandrin, en compagnie de son ami William, dans la continuité du deuxième chapitre.
Avez-vous compris un peu le principe ? Autant vous dire qu’à la première lecture, on est très vite dépassé, et qu’il faut accepter que les pièces du puzzle s’assemblent peu à peu, malgré notre volonté, au fil du récit, jusqu’à cette fin surprenante, où on finit par s’exclamer : «Ahhhh ! D’accord !!! Je comprends mieux !!! »
C’est en cela que je vous demanderais de la persévérance : j’ai été tentée plusieurs fois d’arrêter ma lecture, exaspérée par ces deux récits qui alternent sans comprendre pourquoi ; et puis, en approchant de la fin, tout devient plus clair, et on finit presque par crier au génie ! Finalement, l’ordre exact est le suivant : chapitre 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, et enfin 15 ! Mais lisez les choses dans l’ordre, je vous en conjure, car j’ai remarqué que les deux récits, même s’ils ne semblent pas avoir de rapport entre eux dans l’alternance, avaient des similitudes dans leur message. Des exemples ? Dans le chapitre 1, Ivan découvre une île et doit faire face à un monstre, une menace ; dans le chapitre 2, Ivan doit aussi faire face à une menace. Dans le chapitre 3, Ivan fuit et se plaint d’une présence qui semble le suivre ; dans le chapitre 4, le voilà qui fuit, pourchassé par une présence qui le suit à la trace. Ainsi, deux récits sans grand rapport en apparence finissent par être complémentaires, tout en racontant une partie différente de l’histoire ! Voilà qui est vraiment surprenant et original ! Bien sûr, je dois m’arrêter là pour ne pas vous en dire trop, et vous éviter une chronique trop fastidieuse.
Que dire en conclusion ? Retenons que cette bande dessinée en apparence étrange et déconcertante est en fait bien plus subtile qu’il n’y paraît ; que le dessin est stylisé (dans le bon sens du terme) et que les couleurs sont un véritable point fort ; que le héros Ivan Barnave (comment ne pas y avoir une référence au révolutionnaire français ?) est un malfrat à la fois attachant et exaspérant, plutôt réussi ;que les personnages secondaires sont peu nombreux, mais qu’ils font leur job (une déception cependant pour William Lameth, qui porte lui aussi un nom de révolutionnaire, mais qui ne joue pas un rôle exceptionnel) ; que le scénario est assez original et surprenant. Quant à la fin, elle nous agace (ahhh, les humains...) autant qu’elle nous fascine, ce qui est très bon signe. Donc, une belle réussite dans son ensemble, qui souffre néanmoins de quelques défauts qui pourront en rebuter plus d’un, surtout les moins persévérants : l’alternance des deux récits est pour le moins étrange, surtout au début, créant un certain malaise (qu’on pardonne aisément une fois la lecture terminée et les pièces du puzzle
rassemblées) ; les dessins peuvent faire fuir, surtout les premières pages ; enfin et surtout, un prix d’achat assez excessif à mon goût (21,95 € !) pour une proposition comme celle-ci, au point de me
demander objectivement qui pourrait investir une telle somme pour un objet qui joue constamment sur
une subtilité cachée et qui n’offre pas de gros attraits à première vue ? D’autant que mes recherches m’ont montré que la première version de 2011 coutait 16,50 €, il y a 12 ans : la BD a donc pris 6 euros, ce qui est énorme (le prix du papier, diront certains ! L’inflation !). Alors, bien sûr, je n’ai pas acheté ce produit, que l’on m’a offert pour la chronique, mais, en toute objectivité, aurais-je pris le risque d’investir 22 € sur cette bande dessinée ? Sûrement pas, au premier regard. Alors que la qualité est bien là, cachée subtilement !
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